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Filles & Sciences

Une science qui a du sens : un levier pour l’égalité femmes/hommes

Alors que les filles continuent de se détourner des filières scientifiques au lycée malgré des performances scolaires comparables à celles des garçons, Evidences propose à l’agenda politique une grille de lecture renouvelée : si la bataille politique contre les stéréotypes de genre qui pèsent sur l’orientation des filles est urgente, il faut toutefois aussi prêter attention au déficit d’attractivité symbolique dont souffrent certaines disciplines scientifiques aux yeux des jeunes filles. Qu’entendons-nous au juste de leur appétence, déjà documentée dans la littérature, pour les orientations qui leur paraissent plus porteuses de sens, d’altruisme, d’engagement au service du vivant et de la société ?
S’il faut garantir aux filles une réelle liberté de choix à l’égal des garçons, leurs aspirations doivent aussi être prises au sérieux pour le sens qu’elles expriment. Notre enquête 2025, menée auprès de 500 lycéen(ne)s, montre que les filles projettent dans les parcours scientifiques et techniques un sens trop technique et spéculatif au regard de leurs aspirations. Ainsi, le sens socialement projeté des disciplines façonne leur genre perçu et conditionne leur appropriation. Mais ce sens perçu peut aussi être modifié, par une intervention minime de reformulation des intitulés disciplinaires dont nos résultats démontrent l’efficience. Mettre en avant combien les disciplines scientifiques et techniques contribuent au bien commun accroît immédiatement la liberté des jeunes filles à s’y projeter.

Par Evidences
Publié le 5 juin 2025
Dossier : Filles & Sciences
Sommaire

Synthèse

L’étude conduite par le think tank Evidences en 2025 propose une lecture renouvelée des inégalités filles/garçons dans les parcours scientifiques : au-delà des stéréotypes et du déficit de confiance, c’est la manière dont le sens des disciplines scientifiques est perçu et présenté qui constitue un facteur central de différenciation genrée. À partir d’une enquête menée auprès de 500 élèves de seconde, Evidences montre que les filles cherchent majoritairement à orienter leur vie professionnelle vers des finalités altruistes, collectives ou environnementales. Or au lycée, à l’exception des sciences de la vie et de la terre, les spécialités scientifiques du baccalauréat (mathématiques, physique, informatique, sciences de l’ingénieur) sont encore trop souvent perçues comme techniques, abstraites, et peu reliées aux enjeux humains ou sociaux. Ce clivage de sens perçu agit comme un filtre d’attractivité disciplinaire selon le genre.

Notre hypothèse s’appuie sur une littérature en plein essor en psychologie de l’orientation, qui insiste sur le rôle des représentations, des aspirations différenciées et des logiques d’adéquation (au soi, à l’environnement, aux objectifs de vie) dans les choix scolaires. Elle éclaire de manière originale la persistance des écarts malgré l’égalité des performances. En parallèle, le plan « Maths et filles » lancé en mai 2025 par le gouvernement marque un tournant volontariste de l’action publique, en mettant fin à la lecture individualisante du phénomène (l’« autocensure des filles») et en introduisant des mesures environnementales structurelles comme la pédagogie égalitaire ou les quotas dans les filières d’excellence. Toutefois, ce plan ne s’est pas encore saisi de la question du sens perçu des disciplines, qu’Evidences place au cœur du débat.

La réforme du bac, bien qu’ambitieuse, a parfois renforcé la spécialisation précoce sans garantir d’ouverture dans l’accès au supérieur. Les filles, qui ont davantage joué le jeu de la réforme en construisant des parcours hybrides, sont pénalisées par la permanence des critères classiques de sélection en sciences. Il est certain que les choix de spécialités des filles restent largement contraints par des stéréotypes et un sentiment d’inadéquation à certains univers scientifiques. Mais cette réalité ne doit pas occulter une lecture complémentaire, plus prospective : les parcours pluridisciplinaires que beaucoup de lycéennes construisent, même s’ils s’écartent des canons traditionnels de l’excellence en maths-physique, pourraient être vus — s’ils étaient véritablement librement choisis — comme des paris éducatifs audacieux, alignés avec les besoins complexes du monde à venir. Ces trajectoires, qui conjuguent rigueur scientifique et ouverture aux enjeux humains, devraient être valorisées comme des accélérateurs de compétences. Plutôt que de chercher à calquer les choix des filles sur ceux des garçons, et sous réserve de garantir les conditions d’un choix libre et éclairé, l’enjeu pourrait être de revaloriser la curiosité, le besoin de sens et d’altruisme, l’interdisciplinarité et la capacité à relier les savoirs — des qualités dont notre recherche scientifique, qu’elle s’intéresse au climat, à la santé ou à l’ingénierie, a profondément besoin.

Evidences entend donc contribuer à l’agenda politique de l’égalité filles/garçons en proposant un nouveau levier peu exploré : agir sur la question du sens perçu des disciplines. En effet, le sens socialement communiqué des disciplines conditionne leur genre perçu, et participe à leur appropriation différentielle selon le sexe. La réforme du bac, en accentuant la précocité des choix disciplinaires et en n’accompagnant pas suffisamment la reformulation des contenus et de leurs finalités dans les spécialités scientifiques, a de fait (et à rebours de ses ambitions affichées) contribué à figer ces déséquilibres. Notre enquête exploratoire teste l’efficience d’un nouveau registre pour l’action publique : nous montrons qu’une intervention simple, consistant à reformuler les intitulés disciplinaires en explicitant leur portée pour le bien commun, modifie leurs choix d’orientation et favorise l’appétence des filles pour les sciences et techniques.

Evidences appelle ainsi à une réforme peu coûteuse de la formulation des curriculums, visant à rendre visible la contribution des disciplines scientifiques au bien commun à l’instar des disciplines déjà féminisées, mais aussi à mieux valoriser dans les recrutements du supérieur les parcours multidisciplinaires au lycée. Un tel déplacement du sens, peu coûteux, permettrait une réappropriation égalitaire des savoirs scientifiques au lycée.

Evidences : Un think tank pour fédérer tous ceux qui défendent la valeur émancipatrice de la science.

Le think tank Evidences, en phase de lancement à la mi-2025, n’ignore bien évidemment pas la richesse des initiatives qui existent déjà sur ce qui freine la présence des femmes dans les formations et les carrières scientifiques : un champ de recherche, de plaidoyer et d’action déjà riche et structuré. Dès lors, quelle valeur ajoutée peut apporter Evidences ? En tant que think tank, Evidences est d’abord un médiateur ou courtier d’idées à la frontière de la science, du terrain et de l’action publique : ceci signifie traduire, en direction des décideurs et des médias, les faits sur lesquels les chercheurs travaillent et les constats auxquels parviennent les acteurs de terrain, en les contextualisant à travers le prisme des réquisits et des contraintes de l’action publique et de la volonté politique. D’autre part, Evidences propose, à l’usage des acteurs publics, des médias et du grand public, des outils pour cartographier/typologiser les leviers de politique publique sur un sujet donné, dire « what works ? », en s’appuyant sur le benchmark, la littérature et l’expertise, pour interpréter les complémentarités entre instruments evidence-based qui permettent à une action publique d’être multi-leviers, inclusive, légitime, efficace. L’engagement qui préside à cette ambition, c’est le service de la démocratie : chacun a le droit d’accéder aux faits qui guident les décisions politiques prises au service du bien commun.

Introduction

En 2022, seul un jeune de 18-24 ans sur deux pensait que « les filles ont autant l’esprit scientifique que les garçons » (53%) : ce résultat, que vient de publier France stratégie, est d’autant plus alarmant que cette proportion a baissé de 10 points depuis 2014 1 En miroir, notre société voit effectivement les filles se détourner dès le lycée des enseignements de spécialités en sciences qui conditionnent l’accès aux formations scientifiques et techniques du supérieur.

L’enjeu de cette inégalité filles/garçons devant les sciences est ancien et motive depuis plusieurs décennies la mobilisation de l’action publique. L’heure est au bilan des politiques conduites, pour mieux définir les priorités à venir et réaffirmer une volonté politique forte en matière d’égalité. Le gouvernement vient ainsi de lancer en mai 2025 un nouveau plan pour rapprocher les filles des mathématiques 2 , qui s’appuie sur un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’Education, du sport et de la recherche intitulé Filles et mathématiques : lutter contre les stéréotypes, ouvrir le champ des possibles 3 . De son côté, France Stratégie vient de publier une enquête inédite sur l’état des stéréotypes de genre chez les adolescents et l’évolution des inégalités entre les filles et les garçons à l’école. 4 Les diagnostics sont convergents : alors que les constats s’affinent grâce au travail des chercheurs et que les interventions se multiplient grâce à la mobilisation des acteurs, il reste patent que « sentiment de compétences et rôles sociaux différenciés selon les sexes se conjuguent pour reproduire un déterminisme social qui exclut les jeunes femmes des sciences ». 5 Toujours en mai 2025, c’est la Cour des comptes qui s’empare de ce constat dans un rapport consacré à l’école primaire, pour dénoncer « des inégalités de genre plus marquées que chez nos voisins européens » et pointer combien « les inégalités de genre au primaire ne marquent pas uniquement les résultats scolaires, mais touchent tous les aspects du quotidien des enfants, de la spatialisation des cours de récréation à la confiance en soi » 6 . La question de l’émancipation des filles face aux savoirs et pour l’égalité scolaire avec les garçons est donc au cœur de l’agenda politique.

Face à ce constat, Evidences a conduit une enquête originale auprès de lycéens pour explorer les causes du désintérêt des filles pour les carrières scientifiques et techniques : la proposition qui est explorée ici, conçue sur la base d’une littérature croissante en psychologie de l’orientation, concerne principalement la façon dont filles et garçons de quinze ans se différencient sur le sens qu’ils projettent dans l’activité scientifique. Les filles s’en détournent-elles parce qu’elles pensent ne pas pouvoir y exprimer assez le sens altruiste qu’elles veulent donner à leur vie professionnelle ?

Nous avons tout d’abord voulu livrer notre interprétation du tournant politique important qu’incarne le nouveau « Plan Maths et filles » 2025, adossé à l’expertise administrative approfondie des deux inspections générales associées. Surtout, en s’appuyant sur l’expertise scientifique, administrative et politique de son comité éditorial pour bâtir une enquête originale, Evidences a voulu affronter la question politique de la place des filles en sciences en zoomant sur un enjeu particulier : celui du sens que la science revêt aux yeux des jeunes gens qui s’engagent dès le lycée dans ces enseignements.

Sens de la vie, sens de l’engagement, sens versus contingence du quotidien, sens pour soi, sens pour autrui, sens interdit ? Quelles représentations filles et garçons adolescents scolarisés en classe de seconde ont-ils de cette question du sens qu’ils donnent aux sciences au moment de choisir les spécialités de leur bac qui, au-delà, conditionnent directement leur cursus dans le supérieur ? Evidences a conduit une enquête originale par questionnaire en ligne auprès d’un échantillon de ces élèves, pour savoir si leur choix de spécialités était déterminé par l’idée qu’ils se font du sens de leurs métiers futurs, et si l’idée qu’ils se faisaient du sens des métiers scientifiques dans la société était, ou non, sensible à des déterminations genrées. En testant notamment leurs réactions à des maquettes d’enseignement scientifique différenciées selon la place qu’elles donnaient au service des « gens » versus des « objets » – ou encore, comme l’explore aujourd’hui une partie de la littérature scientifique, au service de soi versus des communs, notre enquête montre que les lycéennes sont, lorsqu’elles choisissent leurs spécialités pour le bac, davantage en quête de sens altruiste que les garçons : en recherche d’un engagement au service d’autrui et des communs, que les formations scientifiques peinent manifestement à incarner à leurs yeux – exception faite de la médecine et de la biologie.

Nous pensons à Evidences que cette exception n’est justement pas un caveat formel : oui, comme le rappellent les inspections, le gouvernement, l’OCDE et de nombreuses productions scientifiques aujourd’hui, les cursus technico-scientifiques en maths, en physique, en ingénierie et en informatique attirent trop peu de filles. Mais pour autant, ce que cherchent les filles, c’est bien le progrès des communs auquel ces sciences contribuent de façon décisive : si cette contribution était plus explicite ou mieux valorisée dans les maquettes d’enseignement, comme cela semble être le cas pour les sciences humaines et sociales, les sciences du vivant, les sciences médicales ou la chimie, y aurait-il davantage de filles qui s’engagent à leur service ?

Notre enquête suggère que oui. Ce qui implique donc, preuve à l’appui, un nouveau chantier pour l’action publique de l’éducation et de l’enseignement supérieur : l’explicitation de ce que les savoirs techniques, de la physique aux maths en passant par l’informatique, apportent au bien commun tout autant que la compréhension historique, philosophique et littéraire du bien commun dans les spécialités où les filles sont majoritaires, et tout autant que les sciences du vivant et du care où elles sont également plus engagées que les garçons. L’enjeu de l’action publique pour une pédagogie scientifique égalitaire propice à l’engagement des filles devient donc le suivant : concevoir des enseignements et des maquettes d’enseignements qui expriment davantage la contribution que les maths, la physique ou l’informatique apportent à la défense des communs dans notre société.

 

L’enjeu de l’action publique pour une pédagogie scientifique égalitaire propice à l’engagement des filles devient donc le suivant : concevoir des enseignements et des maquettes d’enseignements qui expriment davantage la contribution que les maths, la physique ou l’informatique apportent à la défense des communs dans notre société.

I – Constat : la compréhension des causes de la sous-représentation des filles dans les cursus scientifiques progresse

Au-delà de nos frontières, la sous-représentation des filles dans les filières scientifiques est un enjeu global, objet d’une littérature scientifique internationale très active et dont les mots-clés sont « gender-gap » et « STEM » pour Science, Technology, Engineering, Mathematics. Les programmes STEM à travers le monde incluent la biologie, qui joue un rôle fondamental dans la compréhension du vivant et dans les approches interdisciplinaires, mais le constat de la sous-représentation des femmes dans les formations et les carrières scientifiques vise de façon primordiale les domaines où les femmes sont encore peu présentes, notamment : l’ingénierie, les mathématiques, l’informatique et la physique. Biologie, sciences du vivant et de l’environnement ou chimie sont souvent moins mises en avant dans les statistiques ou les politiques liées au genre dans les sciences, probablement parce que la formation en maths ou en physique est plus systématiquement requise dans les critères de sélection des filières d’excellence et d’ingénierie, mais aussi sans doute parce qu’elles sont perçues comme moins techniques, moins fondamentales, plus appliquées et plus liées aux biens communs que sont la santé, l’éducation, le vivant ou le climat – ou peut-être parce qu’elles sont perçues comme moins en lien direct avec l’innovation et la croissance économique.

Bien que ce choix, notons-le, invisibilise de fait en partie la réussite des femmes en biologie ou en sciences de l’environnement en sous-entendant que ces domaines sont peut-être moins « sérieux », moins « sélectifs » ou moins « scientifiques », une partie de la littérature sur l’écart entre filles et garçons resserre de fait la définition des cursus scientifiques aux disciplines suivantes : maths, physique, sciences de l’ingénieur, informatique. C’est notamment le cas du rapport d’expertise des inspections paru en mai 2025, qui n’a pas intégré les sciences de la vie et de la terre parmi les spécialités que le rapport choisit de désigner sous le vocable « STEM ».

Quoi qu’il en soit, cette grille de lecture choisie par l’expertise publique révèle clairement une ampleur problématique de la différence sexuée des choix d’orientation dès le lycée.

À la rentrée 2023, parmi les élèves inscrits en première au lycée général qui choisissent leurs spécialités pour le « nouveau » bac 7 , 31,2 % n’ont choisi aucune spécialité STEM (NDLR : hors SVT), dont une majorité écrasante de filles (72,2%). A l’inverse, elles sont très minoritaires (14,9%) au sein des 9,2%

d’élèves qui suivent trois disciplines STEM et restent également moins bien représentées (36,6%) que les garçons chez les élèves qui prennent deux STEM parmi leurs trois spécialités (49,7%). Chez les filles, l’enseignement de spécialité le plus choisi est en sciences économiques et sociales (37%), suivi des maths (33%) puis de l’enseignement histoire-géographie-géopolitique-science politique (29%). Pour les garçons, les maths viennent en premier (57%), suivis de la physique-chimie (38%) et des sciences économiques et sociales (32%) 8 .

 

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Tableau 1 : Proportion de filles à la rentrée 2023 parmi quelques combinaisons d’enseignements de spécialités en première, selon la définiton IGF-IGESR du périmètre STEM Source : IGF-IGESR (2025)

En outre, les données de la rentrée 2023 montrent que, entre la première (en 2022) et la terminale (en 2023), 42 % des filles ont abandonné la spécialité mathématique, soit près de deux fois plus que les garçons (24 %). Les filles deviennent nettement minoritaires parmi les élèves qui conservent deux enseignements STEM, choix qui prédispose à une poursuite d’études dans ces filières dans le supérieur. Elles sont également minoritaires dans l’effectif des élèves qui complètent la spécialité maths par un enseignement optionnel renforcé dénommé « maths expertes » 9 , option qui conditionne l’accès aux filières scientifiques d’excellence du supérieur, notamment en ingénierie.

Cette différenciation se poursuit dans l’enseignement supérieur, où les filles sont largement surreprésentées en sciences humaines et sociales, en lettres ou en santé, mais sous-représentées en ingénierie et en informatique.Les filles représentent seulement 28 % des effectifs dans les filières scientifiques et technologiques de l’enseignement supérieur 10 , avec une sous-représentation plus marquée dans certaines disciplines : elles ne constituent que 20 % des effectifs en informatique et 25 % en ingénierie. À l’inverse, elles sont largement majoritaires dans des domaines comme la biologie et la santé, où elles dépassent parfois 70 % des effectifs.

In fine, les choix des lycéennes et lycéens, qui s’opèrent en réalité dès la fin de la seconde, concourent au maintien de certaines inégalités professionnelles et salariales et elles privent de nombreux secteurs de la présence des femmes. Le point n’étant pas tellement ici, selon Evidences, la présence de « talents » féminins comme les nomme une partie de la littérature, mais surtout le bénéfice qu’apporte la diversité dans les équipes scientifiques.

Les filles représentent seulement 28 % des effectifs dans les filières scientifiques et technologiques de l’enseignement supérieur, avec une sous-représentation plus marquée dans certaines disciplines : elles ne constituent que 20 % des effectifs en informatique et 25 % en ingénierie. À l’inverse, elles sont largement majoritaires dans des domaines comme la biologie et la santé, où elles dépassent parfois 70 % des effectifs.
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Figure 1 : Part des femmes parmi les diplômés de master. Source : MESR-SIES, Vers l’égalité femmes-hommes ? Chiffres-clés 2024

Le paradoxe est que les filles réussissent aussi bien, voire mieux, que les garçons dans les matières scientifiques 11 . Malgré cette égalité de compétence, les filles se détournent souvent des filières scientifiques dans l’enseignement supérieur hors biologie-chimie-environnement, ce qui indique que des facteurs indépendants de leurs capacités influencent leurs choix.

Pour expliquer la sous-représentation des filles dans les STEM, les hypothèses couramment avancées sont nombreuses depuis plusieurs décennies : elles choisiraient de ne pas s’orienter dans ces disciplines, par « auto-censure » ; elles rencontreraient des obstacles (sexisme, discriminations) lorsqu’elles souhaitent s’y engager ; leurs performances en mathématiques seraient en moyenne plus faibles que celles des garçons ; la réforme du bac aurait accentué ces difficultés d’accès. On admet donc généralement que plusieurs éléments contribuent à la sous-représentation des filles en STEM. Les stéréotypes de genre, qui associent les sciences à des qualités masculines (comme la logique ou la rationalité), influencent les aspirations des filles dès l’enfance 12 . D’autres auteurs soulignent qu’un déficit de confiance en soi, particulièrement marqué chez les filles en mathématiques, les conduit à se sous-estimer, même lorsqu’elles obtiennent de bons résultats 13 . Certaines approches mettent en relief que les environnements majoritairement masculins dans certaines filières, comme l’informatique, sont un frein pour l’engagement des filles 14 . Enfin, une partie de la littérature montre que le manque de visibilité de figures féminines éminentes ou de « rôles modèles » féminins dans les carrières scientifiques entrave la capacité des filles à se projeter dans ces domaines 15 .

Sur la force explicative relative de ces différentes hypothèses, un consensus scientifique se forme progressivement, dont les pages suivantes tentent de dessiner les contours – sans prétendre à l’exhaustivité.

Les stéréotypes de genre, qui associent les sciences à des qualités masculines (comme la logique ou la rationalité), influencent les aspirations des filles dès l’enfance.

1. Comment interpréter la précocité d’un écart de performances dès le CP ?

Les tests d’évaluation dès l’école primaire (tests nationaux (évaluations repères de rentrée, cycles d’évaluation réalisées sur échantillon) et internationaux (TIMSS)) semblent faire apparaître des écarts de performances (20% d’écart-type) en faveur des garçons sur les tests de mathématiques. Le fait que ces écarts soient détectés très jeunes, qu’ils tendent à se creuser depuis 2018, et qu’ils soient repérables dans toutes les catégories d’écoles (privé, public non-REP, public REP) et d’élèves (quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle des parents, la composition de la famille, etc.) constituent un motif d’inquiétude, d’autant qu’il y a là une tendance dont l’ampleur distingue la France des autres pays de l’OCDE (voir encadré 1).

Ceci, pour autant, interroge la capacité même des tests à mesurer de réelles compétences chez des élèves très jeunes : mesurent-ils la compétence mathématique, ou bien d’autres variables d’adaptation au stress scolaire ? Vitesse, résistance aux « pièges », esprit de compétition…Rappelons que les moyennes des résultats féminins en maths au brevet et au bac ne retrouvent pas de prééminence masculine. Un nombre croissant d’auteurs soulignent donc que ces résultats aux tests standardisés ne sont qu’un faible prédicteur de la réussite en STEM, parce que le niveau réel d’exigence en mathématiques y est faible et que l’accent mis dans ces tests sur la vitesse et la compétition valorise en fait des compétences qui s’écartent de celles réellement requises par le travail scientifique 16 .

 

Encadré 1 – Les élèves français et les sciences : quelques singularités au sein de l’OCDE

L’étude TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study) 2023, publiée par l’OCDE 17 , met en évidence la persistance d’écarts de performance significatifs entre filles et garçons en mathématiques en France, avec une aggravation entre le primaire et le collège. Cette situation distingue la France de nombreux autres pays de l’OCDE où les écarts tendent à se réduire. Les différences observées ne concernent pas uniquement les performances, mais également la confiance en soi et le rapport « affectif » aux mathématiques, suggérant la nécessité d’interventions ciblées au niveau des pratiques pédagogiques et de la lutte contre les stéréotypes de genre.

Pour les élèves de CM1, l’OCDE a largement souligné l’écart qui se creuse entre filles et garçons : 34% des filles de CM1 n’atteignent pas le niveau intermédiaire de compétence en mathématiques (fixé à 475 points), contre environ 31% des garçons.

Au niveau de la 4e, les disparités s’accentuent en France. Les filles obtiennent un score moyen de 469 points contre 483 pour les garçons, soit un écart de 14 points, supérieur à la moyenne OCDE (11 points). Cette différence place la France parmi les pays où l’écart de genre en mathématiques au collège s’est creusé depuis le cycle précédent de l’étude (+3 points par rapport à TIMSS 2019).

L’enquête TIMSS révèle aussi que les filles françaises de CM1 expriment déjà un niveau de confiance en leurs capacités mathématiques inférieur de 0,25 point à celui des garçons sur l’échelle normalisée TIMSS, un écart plus prononcé que la moyenne OCDE (0,21).

De même, seules 32% des filles en classe de 4e se déclarent confiantes dans leurs capacités mathématiques, contre 46% des garçons. Ce différentiel de confiance de 14 points est l’un des plus élevés de l’OCDE (moyenne de 11 points).

L’analyse TIMSS 2023 identifie plusieurs facteurs qui pourraient expliquer la spécificité française :

– le système éducatif français valorise davantage les compétences procédurales que la résolution de problèmes, domaine où les écarts de genre sont généralement moins prononcés ;

– les stéréotypes de genre persistent fortement en France : 37% des élèves français de 4e (contre 31% en moyenne OCDE) considèrent les mathématiques comme « une discipline masculine » ;

– l’« anxiété mathématique » est particulièrement marquée chez les filles françaises : 42% d’entre elles rapportent se sentir « très anxieuses » face aux mathématiques en 4e, contre 29% des garçons.

Selon le rapport de l’OCDE 2024 sur l’équité 18 , l’influence des enseignants constitue un autre frein notable : le rapport indique que 42% des enseignants français de mathématiques au niveau secondaire manifestent des biais de genre inconscients dans leurs évaluations, un taux supérieur à la moyenne OCDE de 38%. Ces biais contribuent à perpétuer les écarts de perception et de confiance entre filles et garçons face aux disciplines scientifiques.

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Figure 2 : Evolution des scores moyens en mathématiques des filles et des garçons en France dans l’enquête TIMMS entre 2015 et 2023. Source : DEPP
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Ce constat étant posé, un certain nombre d’auteurs plaident cependant pour bien contextualiser l’interprétation de cet écart précoce. Tout d’abord, on relèvera que le problème des différences de niveau entre filles et garçons apparaît secondaire en ampleur par rapport à l’enjeu du niveau moyen des Français en mathématiques en comparaison des autres pays développés. Les inspections IGF-IGESR soulignent ainsi dans leur rapport récent que les écarts filles-garçons en mathématiques en France sont de l’ordre de cinq fois moins importants que les écarts à PISA 2022 entre la France et Singapour. Ils sont aussi cinq fois moins importants que les écarts en fin de CM2 entre écoles publiques en éducation prioritaire et écoles privées.

Par ailleurs, ces données nécessitent d’écarter avec vigueur toute association avec l’idée que, puisqu’observé à un âge si précoce, cet écart impliquerait une différence dans les compétences et les performances susceptibles de justifier, en fin de collège, les différences d’orientation. Le conseil scientifique de l’Éducation nationale 19 a souligné que les différences de performance entre les filles et les garçons en mathématiques, détectables dès les premiers mois qui suivent l’entrée à l’école primaire, sont corrélées à la durée écoulée depuis l’entrée en classe et non directement à l’âge. Cette observation semble signaler que c’est la scolarisation elle-même, dans sa dimension sociale et en tant qu’exposition à une normativité collective, qui entraîne ces différences de niveau.

Il serait erroné de penser que, si les filles choisissent moins les sciences au lycée, c’est finalement parce qu’elles sont à la traîne en maths depuis le CP et tirent au fond la conclusion logique qu’imposent leurs performances moindres. D’abord, parce que les différences à ces tests restent limitées, et que leurs modalités peuvent comporter des biais en faveur des garçons qui pourraient suffire à expliquer ces différences ; ensuite, parce qu’on n’observe pas de différence de niveau significatif à l’examen du brevet 20 . Le problème d’orientation relève donc de mécanismes cognitifs, conscients ou inconscients, qui poussent, à résultats égaux, les filles à s’écarter des sciences et des maths lorsqu’il faut faire des choix.

Ces mécanismes inconscients sont déjà à l’œuvre chez les élèves les plus jeunes dès qu’il est question de « maths ». Certaines expériences en psychologie sociale apportent un éclairage intéressant : par exemple, une publication de l’Université de Provence 21 montre que les performances des filles varient selon qu’on leur dit qu’une même tâche est un exercice de géométrie ou de dessin. Les chercheurs ont fait passer un test neuropsychologique à des élèves : ils leur ont montré la figure complexe de Rey-Osterrieth en leur expliquant qu’ils allaient devoir la reproduire de mémoire à main levée. Lorsque l’on dit aux enfants qu’il s’agit d’un exercice de géométrie, les filles réussissent moins bien que les garçons. Mais lorsque l’on dit qu’il s’agit d’un exercice de dessin, les filles obtiennent des meilleurs résultats que les garçons alors que le test est rigoureusement identique dans les deux cas. Autrement dit, la seule évocation de la géométrie, référence directe aux mathématiques, a constitué un obstacle pour les filles dans le cadre de cette étude. Tout se passe comme si très tôt les filles intégraient l’idée reçue selon laquelle elles seraient moins bonnes en mathématiques, au point qu’elles en perdent leurs moyens.

Mais le fait de « perdre ses moyens » n’est pas un trait de personnalité intime ou intangible chez un jeune élève : c’est un levier sur lequel il est possible d’intervenir à l’école. Si les déterminants liés à l’environnement social et familial stéréotypé ont une responsabilité reconnue, une part croissante de la recherche sur les écarts précoces de performances filles/garçons se concentre aujourd’hui sur l’impact des pratiques pédagogiques, et notamment sur celles qui renforcent les compétences psychosociales des élèves en général, et des filles en particulier. La littérature montre que l’estime de soi, le sentiment d’auto-efficacité, ou encore la confiance dans l’idée qu’il est possible de progresser ne sont pas des phénomènes « donnés » chez les élèves : ce sont des déterminants de la performance académique qui sont malléables et que la technique didactique peut influencer 22 . Or les enquêtes PISA et TIMSS de l’OCDE montrent que sur ces indicateurs, les élèves français se distinguent fortement par des scores plus faibles. On observe ainsi à la fois une proportion plus importante d’élèves très confiants (33 %) en France par rapport à la moyenne des autres pays (27 %) et un écart plus important entre les filles et les garçons en France que dans les autres pays.

Que peut-on y faire ? La littérature scientifique démontre que la confiance en soi est renforcée par un enseignement clair, explicite, revenant régulièrement sur les notions quand elles ne sont pas comprises. Les indicateurs TIMSS 23 montrent là encore une spécificité française. Que ce soit en sciences ou en mathématiques, les élèves français perçoivent une moindre clarté dans l’enseignement que dans les autres pays de l’OCDE : en maths en CM1, 45% des élèves jugent que la clarté de l’enseignement reçu est faible ou modérée, quand la moyenne OCDE est de 31% 24 . Il ne s’agit pas ici de proposer une corrélation ou une causalité entre la perception des filles sur ces items et leurs performances académiques en maths. En revanche, on doit bien constater que la corrélation entre confiance en soi et réussite, qui est identifiée dans la littérature comme l’un des ressorts de l’écart filles/garçons, est sensible à des modalités d’intervention, notamment de bonnes pratiques didactiques, sur lesquelles les élèves français se jugent en difficulté au regard d’autres pays où les écarts filles/garçons sont également moindres.

Il serait erroné de penser que, si les filles choisissent moins les sciences au lycée, c’est finalement parce qu’elles sont à la traîne en maths depuis le CP et tirent au fond la conclusion logique qu’imposent leurs performances moindres.

2. La réforme du bac : quel impact sur les écarts de genre ?

La question de savoir si la réforme du baccalauréat de 2019 a ou non accru les écarts d’orientation vers les sciences entre lycéens et lycéennes est en débat. Le chiffre qui motive l’inquiétude est le suivant : à la rentrée 2023, les filles sont sur-représentées parmi l’effectif d’élèves de première qui n’ont choisi aucune spécialité scientifique (72,2%, hors SVT). Un grand nombre d’auteurs retiennent l’idée d’un impact négatif de la réforme sur l’écart filles/garçons en sciences 25 , mais les porteurs de la réforme présentent en réponse des argumentaires opposés 26 , de même que le récent rapport des inspections qui considère que « la réforme du lycée n’a eu qu’un effet limité sur le phénomène ancien du défaut d’orientation des filles en STEM ».

Cette réforme a mis fin au système des séries générales de baccalauréat (voie scientifique, voie littéraire, voie économique) en pariant sur les bénéfices, pour l’orientation dans le supérieur, d’une plus grande latitude dans la composition modulaire des cursus de première et terminale, à partir d’un socle commun d’une part, et d’autre part d’enseignements de spécialité choisis par chaque élève.

Les maths et les sciences ont une place très subsidiaire dans le tronc commun et leur étude suppose de les suivre en enseignement de spécialité (mathématiques, physique-chimie, sciences de l’ingénieur, numérique et sciences informatiques, sciences de la vie et de la terre) ou enseignement optionnel en terminale (mathématiques expertes ou mathématiques complémentaires).

Le constat généralement fait est cependant celui, après une progression constante de l’égalité depuis les années 1960, d’une chute massive des inscriptions dans les disciplines scientifiques au lycée, plus marquée chez les filles. Le retard des filles sur les garçons se réduit peu à peu jusqu’en 2020, puis se creuse à nouveau : il y a 35 756 bachelières scientifiques en 2022, soit 35,9 % de l’ensemble des bacheliers scientifiques ; elles étaient 47,9 % en 2020 et 36,3 % en 1965.  A l’évidence, c’est plutôt le vivier total d’élèves (filles comme garçons) choisissant des spécialités scientifiques au lycée qui décroit de façon marquée après la réforme.

 

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Figure 3 : Evolution des effectifs des bachelières et bacheliers généraux en parcours scientifique. Source : M.Guenais, loc.cit

La mission des inspections, qui plaide pour une absence d’effet négatif de la réforme sur la proportion des filles, à terme, dans le supérieur (bac+1), reconnaît ainsi néanmoins, sur la base des données DEPP entre 2019 et 2024 : « Les filles ont choisi des combinaisons de spécialités plus variées que les garçons. En conséquence, elles sont moins nombreuses à suivre des enseignements de spécialité scientifiques avant le baccalauréat. Ainsi, alors qu’avant la réforme, 43 % des garçons et 33 % des filles au lycée général et technologique s’inscrivaient en série scientifique en fin de seconde, l’enseignement de spécialité mathématiques est désormais suivi en terminale par 37 % des garçons et 22 % des filles. Par leurs choix de spécialités et d’enseignements optionnels, les garçons reçoivent davantage d’enseignements de mathématiques que les filles, quelle que soit la métrique considérée : ainsi, les filles reçoivent un enseignement de mathématiques de 2,8 heures hebdomadaires en moyenne en première et terminale, contre 4,0 heures pour les garçons » 27 . Pour autant, en arguant notamment du fait qu’une proportion d’élèves de l’ancienne filière S ne choisissaient pas un parcours STEM post-bac, la mission considère que le « vivier » féminin des orientations STEM recruté dans le supérieur n’a pas significativement baissé, et en veut pour preuve que le nombre de filles en STEM à bac+1 n’a pas varié entre les cohortes avant- et après-réforme (env. 25.000).

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Tableau 2 : Nombre d'élèves et proportion d'élèves s'orientant en filière STEM à bac+1 selon le sexe et la série ou les choix d'enseignements de spécialité suivis au lycée en voie générale. Source : IGF-IGESR
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Figure 4 : Vivier apparent de filles dans les formations STEM au lycée et effectifs de femmes admises en STEM à bac+1 via Parcoursup avant et après réforme du lycée. Source : IGF-IGESR

Il ne s’ensuit pas cependant que la réforme ait été sans effet sur l’orientation : en suivant ce cadre d’analyse, la mission inter-inspections retient tout de même, effet qui n’a rien d’anodin, que la réforme a « avancé d’un an, soit en fin de première, la différenciation sexuée des orientations » pour une grande partie des élèves. Ceci s’illustre notamment en terminale, du fait du choix de l’enseignement de spécialité abandonné en fin de première, dans le cas des élèves à profil scientifique avec une triplette maths-SVT-physique en première : s’ils conservent la SVT en terminale au détriment des maths ou de la physique, ils seront de fait orientés vers les cursus post-bac en santé-biologie, quasi sans rattrapage possible vers les cursus sélectifs en ingénierie par exemple 28 .

Par ailleurs, un constat qui fait consensus mérite d’être mis en relief pour lui-même : les filles adoptent davantage que les garçons la logique de la réforme, qui était de dépasser les filières et de composer à la place des combinaisons de spécialités libres et originales. Elles choisissent en effet plus souvent des combinaisons hybrides de spécialités, et, au lieu de chercher à recréer dans leurs choix les anciens profils du baccalauréat L/ES/S, parient sur le sens même de cette réforme : s’enrichir et s’ouvrir, cultiver ses goûts et alimenter sa curiosité. Que l’on adhère ou non à la pertinence de cette réforme, force est d’admettre que son objectif premier était de permettre des profils plus originaux et moins tôt spécialisés que le logiciel antérieur.

En terminale, les filles sont ainsi majoritaires dans des parcours qu’il aurait été difficile de réaliser dans la situation antérieure mais que les enjeux du monde actuel rendent a priori plutôt judicieux : par exemple, une spécialisation conjointe en sciences de la vie et en sciences économiques (on y compte 62,5% de filles) ou HHGSP et maths (53,2). Elles sont aussi ultra-majoritaires à compléter, quand elles choisissent un parcours littéraire, leur choix de spécialités par un enseignement optionnel supplémentaire de maths : parmi les effectifs de terminale qui choisissent la doublette à profil littéraire HGGSP+HLP, les élèves qui jugent nécessaire de panacher ce choix par une option supplémentaire en « maths complémentaires » sont massivement des filles (75%).

Pierre Mathiot, qui a porté la mission de réforme du bac et du lycée auprès de Jean-Michel Blanquer et qui a théorisé le diagnostic auquel le nouveau bac entend répondre, écrit ainsi : « Est-il regrettable ou dangereux pour notre société que des élèves mixent leurs choix, associent spécialités scientifiques et non scientifiques ? Nous ne le pensons pas ! C’est au contraire un très grand progrès car les enjeux scientifiques du XXIe siècle ne sont pas « que » scientifiques. Ils sont globaux et portent des dimensions sociétales, économiques, politiques fortes » 29 .

Puisque les choix de spécialités des filles s’avèrent de fait plus conformes que ceux des garçons à cette volonté politique de promouvoir l’interdisciplinarité qui a guidé la réforme du bac, pourquoi ne peut-on pas saluer leur clairvoyance au lieu de déplorer qu’elles soient trop peu nombreuses à choisir les doublettes des parcours scientifiques « purs » ? Précisément parce que les acteurs de l’enseignement supérieur considèrent que ces spécialités restent strictement nécessaires à un parcours scientifique dans le supérieur, contrairement à ce que le narratif politique de la réforme suggérait. La réponse se joue tout bonnement du côté des recruteurs du supérieur, qui, eux, ne jouent pas le jeu de la réforme du bac et conservent pour critère de sélection intangible l’inscription dans un profil scientifique classique. Les nouvelles bachelières qui panachent leurs spécialités sans coller aux profils scientifiques consacrés d’hier se forment malgré elles dans un paradigme sur lequel leurs recruteurs du supérieur n’ont pas encore voulu s’aligner. Comme le note encore Pierre Mathiot : « Force est de constater ici une inertie encore trop grande de l’enseignement supérieur face à la transformation des parcours au lycée des élèves. On en reste encore par trop à des attendus qui reposent sur le suivi de la « triplette historique » au détriment d’approches plus ouvertes au suivi, par exemple, d’une spécialité « non scientifiques ». L’enseignement supérieur tend encore à chercher l’ancien bac dans le nouveau ! Il serait bon de soutenir de manière urgente l’ouverture de filières post-baccalauréat (BUT, Licence, Bachelor, Écoles d’ingénieurs post-bac, CPGE) qui mixent ces approches » 30 .

Encadré 2 – Quelle information au lycée sur les formations du supérieur qui demandent des spécialités précises ?

Sur Parcoursup, rien n’empêche un candidat de postuler à la formation de son choix. Mais certaines spécialités du lycée général sont indispensables pour intégrer certaines formations de l’enseignement supérieur. Le magazine L’Etudiant informe ainsi ses lecteurs que « malgré la volonté de diversifier les profils, vos choix risqueront parfois de vous fermer des portes. Si vous ne suivez pas les mathématiques en terminale, vos chances d’intégrer une école d’ingénieursune prépa commerciale et même certaines prépas lettres sont malheureusement très minces ».

Mais comment les élèves sont-ils informés de cette réalité ? La majorité des formations publie bien ses recommandations de spécialités à suivre au lycée. On peut les consulter sur Parcoursup, à la page de la formation désirée, dans l’encadré « Informations sur les parcours d’études au lycée conseillés par la formation » de la section « Comprendre les critères d’analyse des candidatures ». C’est donc en pratique formation par formation que les élèves peuvent se renseigner : on ne trouve pas sur la plateforme de consignes générales pour toutes les écoles d’ingénieurs, ou pour toutes les écoles de commerce, etc. Notons que sur la page Parcoursup intitulée « Comment les formations examinent les candidatures ? », le mot « spécialité » ne figure pas.

Sur ce point, notons que l’attention publique se concentre aujourd’hui sur les candidats des filières d’ingénieurs. L’Institut Montaigne montre dans un rapport de mai 2025 31 qu’il est nécessaire d’adapter l’offre de formation aux besoins majeurs de l’économie française et de former davantage d’ingénieurs. Parmi les leviers, le rapport cite le recours aux quotas pour favoriser l’accès des filles à ces filières, l’investissement dans les filières scientifiques et techniques de l’université, mais aussi l’ouverture des critères de sélection des écoles d’ingénieurs. Les auteurs considèrent ainsi que l’accès d’élèves ayant acquis un « bagage scientifique minimum au lycée mais qui auraient choisi d’autres types de formation doivent être favorisées », notamment depuis les cycles santé ou les écoles de commerce. Ils soulignent aussi que « l’abandon d’un enseignement de spécialité entre la classe de première et celle de terminale ne doit pas pénaliser les étudiants souhaitant étudier en école d’ingénieurs » et convoquent les écoles à mettre en place des cursus de remédiation qui leur permette d’élargir leur vivier de recrutement 32 .

L’objet n’est pas ici de plaider pour des recrutements en cursus scientifique post-bac ouverts à tous sans considération aucune pour les compétences acquises au lycée en maths ou en physique. Mais le point est tout de même de mettre en lumière la contradiction dont font les frais aujourd’hui tous les bacheliers, et singulièrement les filles puisque les données montrent qu’elles sont plus enthousiastes devant les nouvelles libertés que le nouveau bac prétend promouvoir. Ce que le lycée dépeint à leur jeune clairvoyance comme un atout intellectuel, le supérieur le rejette encore en appliquant des critères de sélection inchangés, au nom d’une excellence disciplinaire classique.

Evidences a considéré qu’il importait de repartir de ce narratif politique de la réforme car il ouvre sur de vraies questions.

Certes, le déficit de filles en maths et en physique est le symptôme de choix injustement biaisés pour elles, qui nécessite de les amener à choisir davantage ces spécialités au lycée. Mais on peut aussi, dans un registre plus spéculatif, considérer qu’un autre diagnostic est suggéré par le narratif politique de la réforme : pourquoi les panachages d’options qu’elles font ne leur permettraient pas d’accéder aux filières scientifiques du supérieur ?  En quoi les filles s’écartent-elles de l’excellence lorsqu’elles choisissent à 16 ans des triplettes composites qui associent par exemple les maths, les sciences de la vie et les sciences économiques ? Dès lors que pareil choix est le fruit d’une contrainte, d’un stéréotype qui leur interdit de choisir la voix consacrée d’un parcours scientifique d’excellence incluant la physique-chimie, il faut certainement le combattre. Mais on pourrait aussi considérer que pareil choix est finalement très sensé dans le nouveau bac et dans le monde tel qu’il va, et qu’il peut être riche pour un cursus scientifique dans le supérieur. Un choix de doublette qui s’écarte de la combinaison maths+physique+option « maths expertes », s’il pouvait être caractérisé comme libre et non contraint par les stéréotypes de genre, pourrait-il être entendu comme une demande pertinente dans le cadre d’un parcours scientifique, comme le choix d’une science qui ait un sens plus appliqué au vivant (par exemple avec une combinaison maths-SVT) ou à la société (par exemple maths-sciences économiques) ? Ainsi qu’on le verra dans le III, Evidences explore ici une partie de cette question du sens, en s’intéressant aux représentations qui déterminent la préférence des filles pour des parcours pluridisciplinaires et originaux.

Dès lors que pareil choix est le fruit d’une contrainte, d’un stéréotype qui leur interdit de choisir la voix consacrée d’un parcours scientifique d’excellence incluant la physique-chimie, il faut certainement le combattre.

3. L’impact des stéréotypes sociaux

En principe, on attendrait de la scolarisation qu’elle protège les enfants de la puissance des stéréotypes sociaux et leur garantisse des conditions équitables d’émancipation. Les données disponibles montrent en la matière un échec partiel.

On sait ainsi qu’à performance similaire en STEM, les enseignants fondent le plus souvent leurs commentaires positifs pour les filles en se référant à la qualité du travail et au sérieux, alors que les garçons seront plus facilement loués pour leur talent, leurs intuitions 33 . Des études montrent aussi une corrélation entre adhésion (inconsciente) de l’enseignant ou de l’enseignante à des stéréotypes de genre et croissance des écarts de niveau et d’orientation entre filles et garçons en STEM 34 .

En parallèle, un sondage porté en 2024 par l’association Elles Bougent a révélé combien l’école expose les filles à l’idée d’un déficit de compétences en STEM. Une majorité écrasante (86 %) des étudiantes en filières STEM déclarent ainsi avoir déjà été confrontées à des propos délégitimant la place des femmes dans ces filières (par exemple « les filles sont plutôt faites pour les études littéraires » ou « les filles sont moins compétentes que les garçons en mathématiques ») 35 .

Encadré 3 – Un plafond de verre tangible pour les femmes scientifiques en Europe

A l’Université, la carrière des femmes se heurte à un plafond de verre pour accéder aux positions les plus élevées. A l’échelle de l’Union européenne, en 2018, les femmes représentaient environ 45% du personnel universitaire titulaire d’un doctorat, mais elles n’étaient plus qu’un quart (26,2 %) à des postes de grade A (équivalent à un poste de professeur).

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Figure 5 : Proportion de femmes et d’hommes au cours d’une carrière académique typique, tous pays de l’UE confondus, période 2015-2018. Source : SheFigures 2021 | Research and Innovation (europa.eu) / Académie des sciences. (2024). Sciences : Où sont les femmes ?
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Ces données plaident pour l’existence d’une censure sociale de fait, métabolisée par les filles dans leurs choix d’orientation : mais le fait que la censure du stéréotype soit intégrée par les filles ne signifie pas pour autant qu’elle s’auto-censurent – un terme qui leur renvoie la responsabilité d’une situation dont les causes en réalité leur échappent.

Les recherches en psychologie de l’orientation s’attachent à identifier les facteurs influençant les aspirations scolaires et professionnelles des élèves. Celles-ci s’inscrivent dans une logique d’adéquation (ou fit) avec un domaine d’études, puis avec un environnement professionnel. Schmader 36 distingue trois formes d’adéquation : à l’environnement, au soi et aux objectifs personnels. L’adéquation à l’environnement renvoie au sentiment de bien-être dans un cadre d’études ou de travail, favorisé par le partage de valeurs, la reconnaissance sociale et, a minima, l’absence de harcèlement. L’adéquation au soi concerne la cohérence entre certaines disciplines ou professions et les caractéristiques individuelles, souvent genrées. Enfin, l’adéquation aux objectifs désigne la quête d’une cohérence entre les choix d’orientation et les buts de vie, englobant par exemple l’envie d’un certain type de relations de travail ou l’impact social du métier.

La littérature montre combien les disciplines scientifiques sont souvent associées à des finalités perçues comme moins compatibles avec des intérêts socialement construits comme féminins 37 . Schmader montre que ces disciplines sont souvent présentées comme au service de la technique, de l’abstraction, et supposant de travailler avec des objets ou de transformer le monde, tandis que les sciences du vivant sont davantage associées à l’idée du care, et donc à des objectifs considérés comme féminins

En conséquence, choisir une orientation scientifique constitue, pour les filles, une transgression des normes de genre. Des études qualitatives, en particulier de Clémence Perronnet pour la France 38 montrent qu’à l’adolescence, l’image de la femme entre en dissonance avec celle du scientifique, ce qui freine l’identification des filles. En pratique, les filles qui s’engagent malgré tout dans les STEM doivent souvent négocier une conciliation entre leur orientation et leur identité féminine comme le montrent les résultats de Louise Archer 39 : certaines revendiqueront ainsi une vocation scientifique précoce pour rendre leur choix indiscutable, tandis que d’autres s’identifieront à des modèles de scientifiques féminines dont les aspirations sont publiquement alignées avec des valeurs sociales ou écologiques qui aident à percevoir leur parcours comme acceptables pour une femme, puisqu’au service des autres.

Le rapport des inspections IGF-IGESR conclut ainsi : « Il s’ensuit que les aspirations des filles sont biaisées, dans un sens qui les dissuade de choisir de s’orienter vers les STEM. Ces biais ont des causes qui leur sont extérieures, d’où le rejet par certains sociologues du terme d’« autocensure », qui fait porter la responsabilité du choix d’orientation sur les individus » 40 .

Encadré 4 – Confiance en soi, Estime de soi : Loin d’être un « donné » inaccessible, les compétences psycho-sociales sont accessibles au volontarisme de l’action publique

Lors des choix d’orientation, la confiance en soi de certains étudiants peut avoir un impact sur le prestige des formations auxquelles ils candidatent et même à leur admission dans ces filières. Une étude menée par Hakimov et al en 20210  41  a montré que la confiance en soi des étudiants était non seulement corrélée avec la probabilité de candidater pour au moins une classe préparatoire aux grandes écoles dans Parcoursup mais aussi à leur probabilité d’admission ensuite. Or, sur les 2034 élèves de terminale interrogés dans le cadre de cette étude, les auteurs ont remarqué une différence significative de confiance en soi entre les étudiants et les étudiantes, et cette différence augmente avec le niveau des élèves. Ainsi, parmi les étudiants qui ont eu une mention “très bien” au baccalauréat, les filles avaient 8.5 points de moins de confiance en elles que les garçons.

Ces différences de confiance se retrouvent en réalité dès le collège. La note d’information 2024 de la DEPP 42 sur la rentrée 2023 montre parmi les élèves les plus performants, un écart de 10 points entre les filles et les garçons sur le sentiment de réussite en sixième, 15 points en quatrième puis 7 points en seconde générale et 11 points en seconde technologique.

Or la confiance en soi des élèves est un réel sur lequel l’action publique peut changer la donne de façon transitive (et à moindre coût). L’étude de Hakimov et al le confirme : elle a montré qu’une simple intervention randomisée auprès des élèves consistant à leur indiquer le classement réel qu’ils obtiennent à partir de leur notes de contrôle continu à l’échelle nationale, c’est-à-dire une information objective sur la qualité de leurs performances classées (percentile) à l’échelle de celles des autres élèves,  atténuait largement les inégalités de genre à l’admission en classes préparatoires aux grandes écoles, suggérant un effet causal de la confiance en soi sur les admissions en filières prestigieuses.

II – 2025 : Un virage pour l’action publique ?

La politique d’émancipation des filles face aux sciences est aujourd’hui à un tournant : au vu des annonces du gouvernement en mai 2025, il est possible d’espérer que la nébuleuse de représentations confuses liées à l’« auto-censure » supposée des filles soit enfin remplacée par un cadre d’interprétation et d’action plus robuste ciblé sur l’environnement qui conditionne leurs choix et les détourne des sciences (ou du moins de certaines sciences, hors celles dites du vivant).

L’action publique est de longue date sensible à la sous-représentation des filles dans les filières et métiers scientifiques. Celle-ci est l’un des enjeux de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat 2017-2022. Le plan interministériel 2023-2027 pour l’égalité entre les femmes et les hommes fait d’ailleurs du soutien aux filles dans le choix des cursus scientifiques l’un de ses objets-clés.

L’enjeu, s’il est d’abord affaire de principes, d’égalité républicaine et d’émancipation, est également porteur de conséquences pratiques négatives au plan économique et social : la diversité est source de richesse dans les équipes scientifiques, et une science qui se fait sans les femmes est moins performante et freine la transformation de la société, au détriment notamment de leurs besoins propres. Le Conseil d’analyse économique 43  a modélisé l’effet économique que pourrait avoir une meilleure politique d’accès des femmes aux filières scientifiques à tous les niveaux, se traduisant par une hausse de la part des femmes parmi les innovateurs et innovatrices, actuellement de 12 %. La modélisation montre que l’effet sur la croissance de telles politiques favorisant l’accès des femmes les plus talentueuses aux métiers de l’innovation est très fort, à environ 10 Md€ par an dans un scénario médian.

Cette prise de conscience utilitariste récente a créé les conditions d’un renouveau de l’action publique en 2025 : les arguments de principe se combinent désormais aux arguments d’utilité pour engager un tournant politique plus volontariste en faveur de l’accès des filles aux filières scientifiques. C’est ce que traduisent le rapport conjoint IGF-IGESR et le plan « Filles et Maths » qui ont été publiés le 7 mai 2025 : la volonté de rupture en termes d’action publique y est manifeste.

Citant les multiples registres d’action publique en la matière au cours des quatre dernières décennies, le plan porté par Elisabeth Borne, Clara Chappaz et Aurore Bergé assume un virage explicite et revendique sans ambages « une action vigoureuse et volontariste auprès de l’ensemble des acteurs du système éducatif afin d’éviter que chaque niveau renvoie la responsabilité du constat à l’insuffisance des actions du niveau précédent, voire aux familles ou à la société ». Tout se passe comme s’il était temps de mettre en cause des approches longtemps centrées sur l’auto-censure des filles à l’égard des sciences, un déterminant qui motive notamment les interventions de type « rôle-modèle », mais qui conduit à décentrer l’action publique d’autres causes dont la réalité est manifeste : la stigmatisation subie par les filles dans certaines filières, l’emprise de stéréotypes genrés sur certains contenus et certaines pratiques pédagogiques, bref la réalité d’une discrimination qu’il n’est pas tenable de réduire plus longtemps à ses effets métabolisés sous forme d’auto-censure et dont les racines pratiques demandent à être traitées.

Concernant la portée de la logique « rôle-modèle » 44 , dont la littérature a entériné l’efficacité (voir encadré 4) et dont le Plan Filles et maths 2025 fait son troisième pilier, le rapport des inspections apporte un éclairage nouveau : à côté de la nécessité de valoriser, dans l’ensemble de la société et dans les classes en particulier, le rôle des femmes dans l’histoire et dans le progrès des sciences en particulier, la question qui se pose est aussi celle de la valeur de « modèles » qu’assument de fait les enseignants et les enseignantes eux-mêmes.

Encadré 5 – Stéréotypes et « modèles » genrés

Le manque de modèles féminins dans les milieux scientifiques pèse aussi sur les choix d’orientation des filles. Le programme “Pour les Filles et la Science”, monté par L’Oréal pour encourager les filles à embrasser des carrières scientifiques, a été évalué par Breda et al. en 2020 45 . Il s’agit d’une étude randomisée où 10 000 élèves parmi 20 000 ont été exposés à une intervention d’une heure d’une femme de science du monde de la recherche ou de L’Oréal. Sur ces échantillons, l’étude a montré une augmentation de 20 à 30% de choix d’études scientifiques à la fin de l’année parmi les filles exposées à l’intervention par rapport aux non exposées. Ce résultat encourageant montre l’impact significatif que peut avoir la présence de modèles féminins dans l’imaginaire des étudiantes.

Il faut également souligner qu’en miroir, le stéréotype de l’ingénieur campe un homme, solitaire, passionné de tech et peu altruiste. S. Cheryan, A. Master et A. N. Meltzoff 46 ont analysé ces stéréotypes culturels qui empêchent les étudiantes de se projeter dans les filières ingénieures et informatiques. Ils montrent que ces stéréotypes se transmettent par les médias d’abord, dans des séries grand public comme Big Bang Theory, ou même dans la presse qui stéréotype la culture “start-up”, alors que ces métiers ne représentent qu’une petite partie des métiers du domaine ingénieur. Les individus eux-mêmes sont aussi des vecteurs importants de la diffusion des stéréotypes, d’où l’importance du choix des modèles à mettre sur le devant de la scène qui peuvent, selon d’où ils parlent, accentuer ces stéréotypes ou les diversifier.

 

Au-delà des figures sociales faisant office de « modèles » collectifs, la littérature a montré que les élèves s’identifient davantage aux professeurs du même sexe qu’eux 47 . Au primaire, l’Institut Montaigne 48 a mis l’accent récemment sur un possible manque d’appétence et/ou de familiarité des enseignant(e)s du primaire pour les maths et les sciences 49 . Or en pratique, on retient que 70 % des professeurs des écoles sont des femmes qui n’ont pas suivi de cursus scientifique après le baccalauréat. Quant au second degré, la part des femmes y varie selon la discipline. Elles sont largement majoritaires dans les groupes de disciplines « langues » et « lettres », où elles représentent respectivement 79 % et 83 % des effectifs dans le secteur public ; elles sont aussi majoritaires en sciences de la vie et de la terre (65,8%), mais représentent un peu moins de la moitié des profs de maths (44,6%) et de physique (42,8%). Faut-il imputer à la sous-représentation de femmes formées aux sciences dans l’enseignement primaire et secondaire une forme de validation de fait, auprès des élèves, d’un stéréotype de genre opposant la féminité aux sciences ? L’interprétation demeure discutée. Poser cette question, comme le fait le rapport des inspections, a cependant un premier mérite en soi : rappeler que les maîtres et maîtresses à qui les enfants sont confiés pour accéder aux savoirs sont leurs premiers modèles. Il importe donc sans doute, avant de parler d’auto-censure des filles, de franchir la porte des classes pour y favoriser des interactions heureuses autour des sciences.

En la matière, l’actualité politique immédiate est porteuse d’un virage manifeste en termes de diagnostic et d’action, en adoptant une tonalité critique à l’égard de l’action publique des quarante dernières années. Le rapport des inspections note ainsi : « Face à cette difficulté persistante, le système éducatif a mené depuis plus de 40 ans de nombreuses actions visant à favoriser l’égalité filles-garçons. Initialement centrées sur l’orientation (l’objectif de 30 % de femmes parmi les étudiants en écoles d’ingénieur est fixé dès 1983), ces actions ont également prévu des sensibilisations et des formations à destination des enseignants, puis ont progressivement inclus la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Elles sont cependant restées longtemps à la porte de la classe et n’ont que peu activé le levier de la pédagogie et de la didactique des disciplines ».

Franchir la porte de la classe, c’est aussi interroger de nouvelles dimensions de l’écart filles/garçons dans les disciplines scientifiques : celle des compétences psychosociales évoquée plus haut, mais aussi celle de la pédagogie dite égalitaire. Le plan « Filles et maths » s’attelle à activer vigoureusement le levier de la formation continue des enseignants pour les sensibiliser à la « pédagogie égalitaire ». Celle-ci repose sur l’analyse de pratiques différenciées garçons/filles dans la classe qui sont maintenant bien renseignées par la littérature : en matière de passages au tableau, distribution de la parole, annotations, références au « talent » versus à l’« effort » dans les bulletins, etc.

Surtout, ce plan marque une rupture en recourant à une logique assumée de discrimination positive au travers de quotas de filles en classe préparatoires aux grandes écoles d’ingénieur. Cette mesure volontariste s’appuie, dans le rapport des inspections, sur un argumentaire nourri qui revendique sa dimension evidence-based en se référant notamment aux recherches en cours concernant l’impact de l’introduction de la mixité dans les écoles normales supérieures à la fin des années 1980. Ces résultats constituent une sorte d’expérience naturelle établissant le bénéfice d’une logique de quotas. En effet, notent les inspections, « jusqu’en 1986, la coexistence des écoles normales supérieures de la rue d’Ulm, en pratique masculine, et de Sèvres, totalement féminine, conduisait de facto à disposer d’un quota de femmes pour l’accès à des études STEM élitistes et a permis efficacement de former plusieurs générations de femmes dans l’enseignement supérieur et la recherche, notamment en mathématiques. À la suite de la fusion des écoles en une seule école mixte, le nombre de femmes reçues a rapidement chuté jusqu’à tomber à zéro pour le concours d’entrée en mathématiques certaines années. Les travaux en cours de Léa Dousset et Georgia Thebault 50 montrent que cette chute ne s’explique pas par un moindre niveau des candidates en mathématiques, mais davantage par le fait que celles-ci sont nombreuses à s’être détournées de l’école sélective et renommée et ont renoncé à se présenter au concours, notamment parmi les candidates au plus fort potentiel. Cette fusion illustre, par la négative, les effets bénéfiques attendus de tels quotas ». Dans un autre registre, l’évaluation d’une autre mesure dite de « faveur » qui a fait ses preuves dans d’autres secteurs de l’action publique en faveur de l’égalité apporte un argument evidence-based en la matière : il s’agit de la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 qui instaure des quotas de sexes dans les conseils d’administration (CA) des grandes entreprises et qui a permis que, avec 46 % de femmes dans les CA, la France soit en tête des pays développés (avec la Norvège et l’Italie) pour ce qui est de l’équilibre entre les sexes au sein de ces instances. Le fait que cette proportion soit en revanche nettement plus faible au niveau des équipes de direction (27%), s’explique pour partie, note la mission d’inspection, par le déficit d’accès des femmes aux filières « fortement, voire très fortement mathématisées » qui forment les dirigeants des grandes entreprises – principalement grandes écoles d’ingénieurs (25 % issus de Polytechnique ou Centrale) et grandes écoles de commerce (28 % provenant de HEC, ESCP, ESSEC). Par analogie, et comme l’écrit le rapport conjoint IGF-IGESR, ce qui a fait le succès de la féminisation des CA ne peut donc se transcrire au niveau des dirigeants eux-mêmes que si la même logique de quotas est appliquée aux formations qui les fabriquent.

L’intérêt d’une politique de quotas est aussi de répondre aux préoccupations qu’expriment les jeunes filles face aux cursus scientifiques et qui renvoie à la problématique du sentiment d’adéquation évoqué plus haut : être en minorité de genre dans une classe n’est pas un désagrément passager, contingent ou anodin ; c’est vivre au quotidien sous la menace d’un sentiment de ne pas être à sa place et assumer de devoir peut-être répondre chaque jour, si ce n’est à des comportements sexistes agressifs, du moins à des stéréotypes vexants ou dégradants. Prendre le risque de vivre chaque jour avec ce que la littérature appelle un « sentiment d’adéquation » vulnérable du fait de l’environnement existant ne va pas nécessairement de soi, même au prix du désir d’étudier et de servir les sciences. Affirmer la nécessité de quotas répond donc à une réalité objective d’une autre nature que la simple volonté de garantir un nombre de femmes dans une filière.

Le tournant politique qui se joue dans cette approche volontariste est nouveau.

III – Quel intérêt des filles pour les sciences au lycée ? L’enquête Evidences

Le think tank Evidences a souhaité apporter sa contribution propre à cet agenda politique en explorant un volet original : la question des représentations que véhiculent les curricula, de la socialisation professionnelle qu’ils valorisent et des leviers d’attractivité que l’on peut mobiliser en agissant sur leur conception et leur formulation.

La littérature montre en effet que la socialisation est différenciée selon le genre, ce qui peut conduire les filles à valoriser davantage les relations humaines et les enjeux sociétaux, tandis que la socialisation des garçons les amène à se tourner vers la compréhension des objets et des systèmes. Comme le note une enquête sur le rapport des jeunes au travail de Yann Algan, Olivier Galland et Marc Lazar pour l’Institut Montaigne publiée en avril 2025 51 , les jeunes femmes (18-30 ans) privilégient massivement les secteurs axés sur des métiers centrés sur l’humain, tels que la santé, l’associatif et l’enseignement. À l’inverse, les hommes manifestent une nette préférence pour les secteurs orientés vers le faire et le maniement des signes, notamment l’industrie, le BTP, l’informatique et la finance. Pour les auteurs, « ces choix reflètent à l’évidence une socialisation genrée profondément ancrée, où les représentations traditionnelles des rôles professionnels restent prégnantes. Les femmes continuent de s’orienter vers des secteurs où prédominent les métiers du soin, de l’éducation et de l’accompagnement, tandis que les hommes se dirigent davantage vers des activités techniques, industrielles ou financières. Cette persistance des stéréotypes de genre dans les aspirations professionnelles souligne que, malgré les évolutions sociétales, les modèles traditionnels d’activités féminines et masculines restent solidement ancrés dans les mentalités des jeunes générations ».

Ces orientations genrées peuvent conduire les filles à se trouver dès le lycée en décalage avec certaines disciplines STEM, dont la présentation est historiquement focalisée sur les objets et les systèmes 52 . Cette vision réductrice des sciences et techniques, qui néglige leurs applications sociales et humaines, a pu contribuer à renforcer l’écart d’appétence pour ces disciplines entre les filles et les garçons. Ce dernier facteur semble être particulièrement important empiriquement. On observe de fait que les différences de choix de métiers selon la dimension « objets-personnes » figurent parmi les plus importantes entre les hommes et les femmes 53 (voir encadré 3). Une autre distinction a été notée dans la littérature : la distinction entre profil « communautaire » versus « agentique », les motivations communautaires poussant au maintien de bonnes relations sociales, alors que les motivations agentiques concernent plutôt l’avancement personnel 54 . Même si c’est la distinction « objets-personnes » qui a guidé les travaux exposés ci-dessous, il est souvent difficile de les distinguer : une préférence pour les personnes se confond parfois avec des motivations dites communautaires au sens d’un engagement pour les communs.

Encadré 6 – Ambition des lycéen(ne)s et ségrégations professionnelles

En France, la ségrégation professionnelle selon le genre persiste, les femmes étant surreprésentées dans des métiers dits « féminins » (par exemple, soins infirmiers) généralement moins rémunérés que les métiers « masculins » (par exemple, ingénierie). Des recherches antérieures ont montré que cette ségrégation n’est pas due à un manque d’ambition professionnelle chez les filles. Une enquête pilotée par Gerald Bronner et Laurent Cordonier en 2023 55 vise à explorer cette dynamique en distinguant les « métiers rêvés » des « métiers attendus » chez les lycéens français.

L’étude repose sur une enquête menée auprès de 2 114 lycéens français en classes de seconde et de terminale, sélectionnés pour représenter la diversité nationale en termes de genre, de niveau scolaire et de milieu socio-économique. Les participants ont répondu à deux questions ouvertes : « Quel métier rêveriez-vous de faire plus tard ? » et « Quel métier pensez-vous réellement exercer plus tard ? ». Les réponses de 2 017 élèves (1 090 en seconde et 927 en terminale) ont été analysées.

Les chercheurs ont classé les professions mentionnées selon leur niveau d’ambition, définissant comme ambitieuses celles appartenant à la catégorie « cadres ou professions intellectuelles supérieures ». Des régressions logistiques binomiales multiples ont été utilisées pour évaluer l’influence du genre, du niveau scolaire et du statut socio-économique (indiqué par la profession des parents) sur les aspirations professionnelles.

Les analyses statistiques révèlent que le genre n’a pas d’effet significatif sur l’ambition professionnelle. En revanche, le statut socio-économique a un effet modeste : les élèves issus de milieux favorisés sont légèrement plus enclins à aspirer à des professions ambitieuses.

En revanche, une différence notable apparaît dans la nature des métiers envisagés. Les filles mentionnent davantage de professions orientées vers les relations humaines (par exemple, enseignement, soins), tandis que les garçons se tournent vers des métiers axés sur les objets ou les technologies (par exemple, ingénierie, informatique). Cette dichotomie reflète des stéréotypes de genre persistants dans les aspirations professionnelles.  

L’étude confirme que la ségrégation professionnelle selon le genre en France n’est donc pas attribuable à une différence d’ambition entre filles et garçons, mais plutôt à des stéréotypes de genre influençant les aspirations professionnelles dès le lycée.

III – Quel intérêt des filles pour les sciences au lycée ? L’enquête Evidences

Evidences a souhaité mobiliser ces savoirs académiques dans le contexte français, et les éclairer à l’échelle des choix d’enseignements de spécialités que font les filles au lycée depuis la réforme du baccalauréat.

L’enquête conduite par Evidences vise à comprendre et quantifier les déterminants des choix de spécialités en tenant compte de l’ensemble des facteurs qui sont reconnus comme péjoratifs pour le choix des STEM par les filles : la confiance en soi, l’anticipation de discriminations, et la perception de ces spécialités comme étant trop peu en lien avec les enjeux sociaux et environnementaux. Afin de mieux appréhender les choix de cursus des élèves français, une enquête auprès de 500 élèves de seconde (250 filles et 250 garçons) a été conduite en février 2025 56 . Une partie de l’enquête se concentre sur le rapport des deux genres aux mathématiques, car il s’agit d’un choix qui détermine strictement la possibilité d’études supérieures dans les domaines techniques et scientifiques.

Les résultats de cette enquête révèlent que le rapport aux mathématiques reste fortement genré, et semble constituer l’une des explications de la place minoritaire des femmes dans les carrières scientifiques. Les stéréotypes de genre sont de fait, et comme attendu, évidents dès le lycée dans nos résultats. A moyenne générale pourtant assez proche, les garçons sont en effet bien plus nombreux en seconde à envisager de choisir les maths comme spécialité en première et à se projeter « avec envie » dans des cursus universitaires de licence comprenant des mathématiques et de l’informatique. Trois indicateurs sont particulièrement illustratifs de l’effet du genre sur le choix des mathématiques et des cursus scientifiques s’appuyant fortement sur les mathématiques :

  • Parmi les élèves pensant s’orienter en bac technologique, 40% des garçons disent que la filière « sciences et techniques de l’industrie et du développement durable » figure parmi les deux qui « les intéressent le plus » pour 15% des filles, soit un écart significatif de 25 points ;
  • Parmi les élèves de seconde pensant s’orienter en filière générale, 65% des garçons pensent choisir les mathématiques dans leurs choix de spécialités, pour 40% des filles, soit à nouveau un écart de 25 points. 38% des garçons pensent choisir « numérique et informatique » pour 15% des filles. 39% des garçons pensent choisir physique-chimie pour 30% des filles. La SVT est la seule matière scientifique où la demande des filles (37%) est supérieure à celle des garçons (27%).
  • Dans les anticipations sur les études supérieures, 25% des garçons pensent poursuivre un cursus de mathématiques pour 12% des filles, 34% un cursus informatique pour 13% des filles.

 

1. Face aux mathématiques, les filles se sous-estiment

Lorsqu’on leur demande quelle moyenne elles obtiennent cette année, les filles ont une moyenne générale supérieure à celle des garçons (13,9 pour 13,3) mais une moyenne en maths légèrement (et non significativement) inférieure (12,8 pour 13,1). La même inversion se retrouve dans les anticipations : les filles anticipent une moyenne générale au bac supérieure à celle des garçons (13,3 pour 13) mais inférieure en maths (12,1 pour 13). Ces résultats conduisent à deux conclusions : les filles s’auto-évaluent en maths de manière moins positive que les garçons, alors que c’est l’inverse sur les autres matières, mais pour autant la différence dans les moyennes déclarées en maths est trop mineure pour justifier les écarts de choix d’orientation en filières scientifiques constatés.

Cette moindre confiance, malgré des résultats quasi-équivalents à ceux des garçons, est l’une des explications de choix d’orientation qui demeurent donc fortement genrés dans notre enquête :

  • Chez ceux qui pensent s’orienter en bac technologique, 40% des garçons choisissent la filière sciences et technologie de l’industrie et du développement durable pour 15% des filles ; à l’inverse 22% des filles choisissent la filière sciences et technologies de la santé et du social pour 5% des garçons ;
  • Chez ceux qui s’orientent en filière générale, 65% des garçons pensent choisir la spécialité mathématiques pour 40% des filles, 38% la spécialité informatique et numérique pour 14% des filles ; à l’inverse 40% des filles choisissent la spécialité langue et littérature pour 16% des garçons. On relèvera en revanche que le choix HGGSP n’est pas genré, réunissant la même proportion de filles et de garçons (25%) ;
  • Alors qu’une proportion équivalente (plus de 90%) des filles et des garçons disent souhaiter poursuivre des études supérieures, les choix de domaine sont fortement genrés : 25% des garçons souhaitent étudier dans le domaine des mathématiques pour 12% des filles, 34% dans le domaine de l’informatique pour 13% des filles, 21% dans le domaine de l’ingénierie pour 10% des filles ; à l’inverse 15% des filles veulent étudier dans le domaine de l’éducation pour 6% des garçons, 17% dans le domaine de la psychologie pour 4% des garçons, 37% dans le domaine de la médecine et du social pour 20% des garçons.

2. Un rapport à l’autre et au métier différemment construit dans les socialisations

Quels stéréotypes dans les représentations peuvent expliquer cette différence de genre dans les choix d’orientation ? L’étude ouvre deux pistes : celle d’un rapport au monde différemment construit dans la socialisation des filles et des garçons, les premières privilégiant l’humain, le « care » et le vivant, là où les garçons privilégient l’objet et la « construction » ; et celle d’un sentiment d’illégitimité dans ces carrières bien plus marqué chez les filles que chez les garçons.

Il est d’abord frappant de constater que filles et garçons ont exactement les mêmes représentations concernant ce que cela implique que de « faire des maths » :

  • Filles et garçons s’accordent sur l’idée que les maths ne se font pas « au talent ». 80% des garçons et 79% des filles de seconde considèrent ainsi que pour réussir en mathématiques, il faut avant tout faire des efforts et travailler ;
  • Trois quarts des garçons comme des filles partagent l’idée que les maths permettent de comprendre les machines, les systèmes, les objets mais pas les personnes.

De même, la proximité est forte entre filles et garçons sur les représentations concernant ce que cela implique au quotidien que de choisir une carrière scientifique :

  • Plus de deux tiers des garçons comme des filles considèrent qu’il est difficile de concilier métiers scientifiques et vie de famille ;
  • 56% des garçons et 56% des filles font le constat que la culture masculine domine dans les métiers scientifiques.

En revanche, ce sur quoi les représentations entre garçons et filles divergent nettement, c’est sur la place qu’ils pourraient trouver dans un métier scientifique.

40% des filles ont le sentiment que si elles poursuivaient une carrière scientifique, « elles ne se sentiraient pas à leur place » pour seulement 22% des garçons. 63% des filles considèrent aussi que « quand on est une femme dans un milieu professionnel scientifique, on a une carrière davantage semée d’embûches qu’un homme », 52% des garçons partageant ce constat.

Enfin, si filles et garçons divergent dans leurs représentations, c’est plus encore sur la finalité des métiers scientifiques et sur le « ressenti » personnel auquel ces projections les renvoient. Filles et garçons diffèrent de façon très significative dans les attentes qu’ils formulent à l’égard du sens de leur futur métier : lorsqu’elles pensent à leur futur métier, 74% des filles aimeraient « plutôt travailler avec des personnes pour les aider et travailler avec elles » pour seulement 50% des garçons, l’autre moitié masculine préférant « travailler sur des objets, des systèmes, des données pour résoudre des problèmes techniques ».

Nos résultats retrouvent donc des pistes classiques : manque de confiance et sentiment de ne pas être « à sa place » pour les filles quand on évoque une carrière scientifique, dont elles ont le sentiment qu’elles sont plus difficiles pour les femmes que pour les hommes. L’originalité de ce panel réside toutefois dans une dimension plus personnelle de la projection de soi à laquelle nous avons convié notre échantillon : filles et garçons divergent alors de façon nette dans leurs façons d’appréhender le sens qu’ils entendent conférer à leur vie professionnelle, de même que sur le rapport aux autres et aux communs qu’ils projettent dans les parcours et les métiers qui les attirent.

 

3. Recommandation : ouvrir les cursus scientifiques sur l’intérêt pour l’humain et le vivant

Nos résultats suggèrent que lorsque les filles se détournent du choix d’un cursus scientifique, c’est en partie parce qu’elles y projettent un sens auquel elles n’adhèrent pas. Déclarant vouloir s’engager au service des gens, elles jugent que ces projections sont mieux servies par les humanités et que les sciences les détourneraient de ce désir parce que trop univoquement tournées vers les objets, les systèmes, les machines.

Afin de tester plus avant cette idée, et de suggérer une façon de rendre les cursus scientifiques plus attirants pour les filles, nous avons demandé aux élèves de noter selon leurs appétences quatre formations de licence fictives : deux formations scientifiques, et deux orientées humanités. Pour chaque formation, deux versions ont été construites, proposant, à cursus identique, un design et des descriptions différentes : une version standard et une version « orientée personne » de la formation scientifique ; une version standard et une version « orientée objet » de la formation humanités.

Par exemple, quand la formation de Licence Sciences et techniques standard contient un module « Analyse des systèmes mécaniques et électroniques », la version ‘personnifiée’ devient « Analyse des réseaux sociaux et big data ». De même, alors que la formation Licence Humanités pour la société offre un module « Histoire de la vie quotidienne (famille, enfance, genre) », la version ‘objectifiée’ propose « Histoire des techniques et des technologies ». Ces simples variations de formulations avaient pour but de tester, auprès des filles et garçons de l’échantillon, si une description des enseignements plus orientée vers les « gens » que vers les « choses » pouvait, à contenu disciplinaire égal, susciter une appétence différente selon le genre.

L’étude ouvre deux pistes : celle d’un rapport au monde différemment construit dans la socialisation des filles et des garçons, les premières privilégiant l’humain, le « care » et le vivant, là où les garçons privilégient l’objet et la « construction » ; et celle d’un sentiment d’illégitimité dans ces carrières bien plus marqué chez les filles que chez les garçons.
Institut Evidences
Figure 6 : Maquettes fictives soumises à l’échantillon

De plus, en amont et avant d’évaluer ces maquettes fictives, notre enquête visait à différencier les répondants selon leurs aspirations professionnelles : les élèves s’étaient auto-catégorisés comme préférant soit un métier impliquant de « travailler directement avec des personnes pour les aider ou collaborer avec elles » (les élèves « orientés personnes ») ou de « travailler sur des objets, des systèmes ou des données pour résoudre des problèmes techniques » (les élèves « orientés objets).

Notre première prédiction était que les élèves plus intéressés par les objets, par rapport aux élèves plus intéressés par les personnes, seraient plus intéressés par nos maquettes orientées vers les objets – et réciproquement pour les métiers tournés vers les gens et les maquettes formulées en lien avec les communs. C’est bien ce que nous avons observé. Par exemple, les élèves « orientés personnes » ont préféré la formation sciences et techniques ‘personnifiée’ à la version standard, plus tournée vers les objets, alors que l’inverse était observé pour les élèves « orientés objets ».

L’auto-catégorisation des élèves nous a également permis de vérifier que les élèves plus intéressés par les métiers liés aux personnes étaient majoritairement (59%) des filles, alors que les élèves souhaitant se tourner vers des professions touchant aux objets étaient surtout des garçons (66%). Ainsi qu’attendu, nous observons alors que « personnifier » les formations attire plus les filles que les garçons, alors que les « objectifier » attire davantage les garçons.

Nos résultats montrent ainsi donc bien que les garçons sont plus orientés vers les métiers ‘objets’ que les filles, qui sont plus orientées vers les métiers ‘personnes’ et que le fait de rendre des formations plus orientées vers les personnes augmente leur attrait pour les filles.

Notons que cet effet positif dans nos résultats s’accompagne toutefois d’une réduction au moins aussi importante de l’attrait pour les garçons. Une refonte des maquettes scientifiques mieux « orientées personnes » aurait-elle donc un risque de diminuer de façon finalement contre-productive le vivier total d’élèves qui les choisissent ? Etant donné que plus de garçons que de filles sont, par défaut, intéressés par les formations scientifiques, orienter la formulation des formations vers les « personnes » aurait-il pour effet d’augmenter suffisamment l’appétence des filles pour augmenter le nombre total d’élèves qui les choisissent ou, in fine, de réduire malgré tout le nombre total d’élèves qui les préférent, ce second effet étant bien sûr indésirable ? Le point à évaluer serait ici de mesurer vers quelles autres formations pareille perte d’attrait orienterait les garçons – et l’idée que les formations alternatives, en sciences humaines et sociales ou en littérature, n’auraient de toutes les façons pas de raison de les attirer davantage dans cette nouvelle configuration semble probante à ce stade.

Orienter les formations scientifiques vers les personnes — en insistant sur leurs applications à l’humain ou au vivant et sur les interactions interpersonnelles qu’elles requièrent — pourrait donc remplir l’objectif d’attirer les filles vers ces formations. Cette orientation pourrait être mise en place dans le cadre de mineures, ou de formations spécialisées. Même si la création de ces formations pourrait amener à des formations avec plus de garçons et d’autres plus de filles, notons que c’est déjà le cas — la biologie étant par exemple préférée des filles, et la physique des garçons. Créer des formations en physique « orientées personnes » pourrait donc attirer plus de filles vers la physique, de même que créer des formations en biologie « orientées objets » permettrait d’y attirer davantage de garçons.

Notons enfin que ces observations, formulées à ce stade sur la base de maquettes concernant les formations du supérieur, vient également poser par capillarité la question de la formulation des enseignements scientifiques dès le lycée. Même si nos résultats ne portent pas sur ce point, l’analogie est permise pour interroger l’attrait que pourraient revêtir, aux yeux des filles, des enseignements de spécialité scientifiques et techniques plus explicitement orientés vers la contribution majeure de ces disciplines au bien commun et au bien-être des personnes. Il serait ainsi utile de mesurer quelles projections les élèves de seconde associent aux spécialités qu’on leur présente au lycée avant leur choix de triplette : les programmes, tout récemment élaborés, en HGGSP ou en HLP sont-ils dotés d’un attrait supérieur aux yeux des filles parce qu’ils prennent explicitement pour thèmes les enjeux du monde contemporain, de la vie en société et du rapport aux autres ? En miroir, quelles nouvelles projections pourraient naître d’une formulation des programmes de maths et de physique mieux connectée avec les enjeux vivaces du vivre-ensemble que, de fait, ils enseignent ?

Notre analyse montre qu’en l’espèce le statu quo est porteur en soi d’inégalités, alors qu’en réalité la façon différenciée dont filles et garçons de 15 ans se projettent dans le sens que revêtent à leurs yeux les disciplines est un réel malléable, sensible aux formulations qui sont choisies, et sur lequel l’action publique peut donc intervenir à coûts constants.

 

Conclusion

Alors que de nombreux rapports confirment d’année en année le désintérêt des filles pour les filières scientifiques et techniques et qu’un plan gouvernemental vient d’être proposé, Evidences, le nouveau think tank dédié la science dans la société, a identifié un nouveau levier d’action grâce à une enquête originale. Au-delà de l’auto-censure induite et du poids des stéréotypes, notre étude pose clairement la question du sens dans les choix d’orientation. Elle apporte une grille de lecture originale sur le rôle joué par la présentation de la finalité des filières de formation (tourné vers l’humain et le vivant ou tourné vers les objets et la technique) dans les choix des jeunes de seconde et leur aspect profondément genré.

L’intérêt d’une telle étude est d’apporter un levier d’action nouveau et original, qui n’a pour l’instant jamais été activé dans les politiques publiques de l’éducation et de l’enseignement supérieur. Au-delà des mesures nécessaires qui visent les stéréotypes, la confiance en soi des filles et les quotas proposés par le plan gouvernemental, le choix de reformuler la finalité des matières scientifiques, de mieux expliciter combien elles servent les communs et l’intérêt général, pourrait les rendre plus attractives pour les filles, et ce, pour un coût minimal.

 

 

 

 

 

L’intérêt d’une telle étude est d’apporter un levier d’action nouveau et original, qui n’a pour l’instant jamais été activé dans les politiques publiques de l’éducation et de l’enseignement supérieur.

Evidences remercie :

– pour la coordination et la rédaction : Mélanie Heard

– pour leur contribution au design et à l’analyse de l’enquête : Coralie Chevallier, Hugo Mercier et Clara Salas, à l’Institut Jean Nicod (CNRS/EHESS/département d’études cognitives de l’École normale supérieure) ; Audrey Bergès ; ainsi que Samuel Jéquier, président de l’Institut Bona fidé qui en a assuré la réalisation ;

– pour leur contribution à la réflexion et pour leur relecture : Bénédicte Robert (IGESR), Thierry Pech (Terra Nova) ainsi que les membres de notre Comité éditorial.

pour leur travail éditorial : Valentin Berdah et Ben Wrobel

Télécharger le rapport
Notes
  • 1
    [1] de Montaignac M., Jolly C., Furic P. (2025) France stratégie, Lutter contre les stéréotypes filles-garçons. Quel bilan de la décennie, quelles priorités d’ici 2030 ?
  • 2
    Plan « Filles et maths », 7 mai 2025 ; https://www.education.gouv.fr/plan-filles-et-maths-pour-que-les-jeunes-filles-prennent-toute-leur-place-dans-les-metiers-de-l-450370
  • 3
    IGF-IGESR. (2025). Filles et mathématiques : lutter contre les stéréotypes, ouvrir le champ des possibles
  • 4
    France stratégie, op.cit.
  • 5
    ibid
  • 6
    Cour des comptes. (2025). L’enseignement primaire : Une organisation en décalage avec les besoins de l’élève.
  • 7
    13 spécialités sont proposées aux élèves :
    Mathématiques
    SVT : Sciences et vie de la Terre
    Bio-écologie
    Physique-Chimie
    SES : Sciences économiques et sociales
    HLP : Humanité, Littérature et Philosophie
    HGGSP : Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques
    SI : Sciences de l’ingénieur
    NSI : Numérique et Sciences de l’ingénieur
    LLCA : Langues, Littératures et Cultures de l’Antiquité
    LLCER : Langues, Littératures et Cultures étrangères et régionales
    Arts (et ses déclinaisons)
    EPPCS : Education physique, Pratiques culturelles sportives
  • 8
    DEPP, Note d’information Les choix d’enseignements de spécialité et d’enseignements optionnels à la rentrée 2023, mars 2024.
  • 9
    Depuis la rentrée 2023, l’enseignement de mathématiques en voie générale du lycée général et technologique est structuré comme suit :
    • en seconde, tous les élèves suivent un cours de mathématiques de 4 h hebdomadaires ;
    • en première, les élèves peuvent suivre un enseignement de spécialité (EDS) mathématique de 4 h hebdomadaires ; à défaut, ils suivent un enseignement d’1h 30 hebdomadaire appelé enseignement spécifique des mathématiques (ESM) ;
    • en terminale, ils peuvent au choix : (a) ne suivre aucun enseignement des mathématiques ; (b) suivre un enseignement optionnel de 3 h hebdomadaire appelé « mathématiques complémentaires »; (c) suivre l’ enseignement de spécialité mathématique de 6 h hebdomadaire ; (d) suivre l’EDS mathématiques et compléter celui-ci par une option de 3 h hebdomadaire appelée « mathématiques expertes », portant le volume à 9 h par semaine.
    L’EDS mathématiques en première est suivi par 65 % des élèves de la voie générale à la rentrée 2023 (35% suivent donc l’ESM). En terminale, à la rentrée 2023, 42% des élèves suivent l’EDS mathématiques ; 16% l’option « mathématiques expertes» (tous suivant obligatoirement l’EDS mathématiques); et 15% l’option « mathématiques complémentaires» (aucun ne suivant l’EDS mathématiques). L’EDS mathématiques en terminale et l’option  » mathématiques expertes » présentent le contenu le plus abstrait et sont recommandés pour poursuivre des études STEM dans le supérieur.
    Source : IGF-IGESR (2025).
  • 10
    L’état de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France, n° 17 (édition 2024)
  • 11
    Encinas-Martín, M. et M. Cherian (2023), Gender, Education and Skills: The Persistence of Gender Gaps in Education and Skills, OECD Skills Studies, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/34680dd5-en.
  • 12
    Bian, L., Leslie, S. J., & Cimpian, A. (2017). Gender stereotypes about intellectual ability emerge early and influence children’s interests. Science, 355(6323), 389-391.
  • 13
    Owen, S. (2023). College major choice and beliefs about relative performance: An experimental intervention to understand gender gaps in STEM. Economics of Education Review, 97, 102479.
  • 14
    Cheryan, S., Ziegler, S. A., Montoya, A. K., & Jiang, L. (2017). Why are some STEM fields more gender balanced than others?. Psychological bulletin, 143(1), 1.
  • 15
    Breda, T., Grenet, J., Monnet, M., & Van Effenterre, C. (2023). How effective are female role models in steering girls towards STEM? Evidence from French high schools. The Economic Journal, 133(653), 1773-1809.
  • 16
    Voir par exemple DEPP, Note d’infomation Février 2025 : « D’après une étude récente (Chabanon et Jouvenceau, 2022), les écarts de résultats entre filles et garçons en mathématiques sont moins marqués au diplôme national du brevet qu’aux évaluations standardisées. Ce résultat interroge à la fois la nature des épreuves ainsi que le statut accordé à l’examen qui peut être différent pour les filles et les garçons ».
    Cioldi I., Raffy G., 2024, « Timss 2023 en CM1 : les résultats en mathématiques et en sciences restent stables en France, sous la moyenne européenne, avec une hausse des inégalités entre filles et garçons », Note d’Information, n° 24.47, DEPP. https://doi.org/10.48464/ni-24-47
  • 17
    Cioldi I., Raffy G., 2024, « Timss 2023 en CM1 : les résultats en mathématiques et en sciences restent stables en France, sous la moyenne européenne, avec une hausse des inégalités entre filles et garçons », Note d’Information, n° 24.47, DEPP. https://doi.org/10.48464/ni-24-47
  • 18

    OCDE (2024), L’équité dans l’éducation et le monde du travail : Le cas des domaines scientifiques, Éditions OCDE, Paris.

    OCDE (2023), Regards sur l’éducation 2023 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris.

    PISA (2022), Résultats du PISA 2022 : Les écarts de genre en mathématiques et sciences, Volume III, OCDE, Paris.

  • 19
    Martinot P., Dehaene S. et al. « Qu’apprend-on des évaluations de CP-CE1 ? » Note du conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN) n° 2021-03.
  • 20
    Chabanon, L., & Jouvenceau, M. (2022). De l’école élémentaire à l’entrée dans l’enseignement supérieur: filles et garçons construisent des parcours distincts. Insee (2022), Femmes et hommes, l’égalité en question. Édition, 37-56.
  • 21
    Huguet, P., & Regner, I. (2007). Stereotype threat among schoolgirls in quasi-ordinary classroom circumstances. Journal of educational psychology, 99(3), 545.
  • 22
    Chernyshenko, O. S., Kankaraš, M., & Drasgow, F. (2018). Social and emotional skills for student success and well-being: Conceptual framework for the OECD study on social and emotional skills
  • 23
    « Mon professeur explique clairement ce que nous devons apprendre à chaque cours » ; « Mon professeur est facile à comprendre» ; « Mon professeur répond clairement à mes questions» ; « Mon professeur explique bien les mathématiques » ; « Mon professeur fait des choses variées pour nous aider à apprendre » ; « Mon professeur réexplique un sujet lorsque nous n’avons pas compris »; « Mon professeur me donne un retour utile sur mon travail ». Ces sept items fournissent une échelle que l’enquête répartit en trois niveaux de « clarté » perçue de l’enseignement : faible / modérée / élevée.
  • 24
    Chernyshenko, O. S., Kankaraš, M., & Drasgow, F. (2018). Social and emotional skills for student success and well-being: Conceptual framework for the OECD study on social and emotional skills
  • 25
    Guenais M. (2024) Comment la réforme du lycée éloigne les filles des maths et des sciences. The Conversation
  • 26
    Mathiot P., Torossian C. (2024). Les filles, les maths et les sciences au lycée général : mettre les choses en perspectives. La Grande Conversation
  • 27
    IGF-IGESR, op.cit., p.9
  • 28
    P.10
  • 29
    Mathiot P., Torossian C., (2024) loc.cit.
  • 30
    Ibid.
  • 31
    Institut Montaigne (2025). Métiers de l’ingénieur : Démultiplier nos ambitions. 
  • 32
    Les auteurs soulignent ainsi : « Aujourd’hui, les écoles de commerce proposent communément aux étudiants de classes préparatoires scientifiques des formations complémentaires, notamment en économie, et réussissent très bien à intégrer ces étudiants dans leurs cursus. Elles proposent en outre de plus en plus de formations hybrides (incluant de l’analy- tique de données ou de l’intelligence artificielle), leur permettant de recruter des étudiants issus de CPGE scientifiques. L’inverse est sans aucun doute possible. Une partie des étudiants a hésité entre les différentes formations et serait intéressée pour rejoindre une formation d’ingénieurs par une voie différente ».
  • 33
    Monnet M. & Charousset P. « Gendered Teacher Feedback, Students’ Math Performance and Enrollment Outcomes: A Text Mining Approach ». Prépublication (halshs-03733956)
  • 34
    Carlana M. 2019. « Implicit Stereotypes : Evidence from Teachers’s Gender Bias ». Current Directions in Psychological Science 19(5) : 275-79. doi : 10.1093/qje/qjz008.
  • 35
    Sondage OpinionWay pour Elles bougent : carrières en sciences : l’orientation est-elle toujours genrée en 2024 ?
  • 36
    Schmader, T. (2023). The role of identity and belonging in STEM career trajectories. In A. N. Else-Quest & J. S. Hyde (Eds.), The psychology of women and gender (3rd ed., pp. 345–366). New York, NY: Routledge
  • 37
    Schmader, op.cit.
  • 38
    Perronnet, C. (2018). La fabrique scolaire des vocations scientifiques. Paris : Éditions du Croquant.
  • 39
    Archer, L., DeWitt, J., Osborne, J., Dillon, J., Willis, B., & Wong, B. (2010). Doing science versus being a scientist: Examining 10/11-year-old schoolchildren’s constructions of science through the lens of identity. Science Education, 94(4), 617–639. https://doi.org/10.1002/sce.20399
    Archer, L., DeWitt, J., Osborne, J., Dillon, J., Willis, B., & Wong, B. (2012). Balancing acts: Elementary school girls’ negotiations of femininity, achievement, and science. Science Education, 96(6), 967–989. https://doi.org/10.1002/sce.21031
  • 40
    IGF-IGESR, op.cit., Annexe 4, p.9
  • 41
    Hakimov R., Schmacker R., Terrier C. (2023). Confidence and College Applications: Evidence from a Randomized Intervention. Rationality and Competition Discussion Paper Series 377, CRC TRR 190 Rationality and Competition.
  • 42
    DEPP, Note d’information Les choix d’enseignements de spécialité et d’enseignements optionnels à la rentrée 2023, mars 2024
  • 43
    Feng J., Jaravel X. et Richard E. (CAE) (2022). Pour une stratégie nationale d’innovation par tous. Focus CAE n° 089-2022.
  • 44
    Voir notamment l’initiative L’Oréal-UNESCO « Pour les femmes et la science », débutée il y a 21 ans, qui vise à soutenir et reconnaître les chercheuses accomplies, à encourager davantage de femmes à accéder à cette profession et de les accompagner dans leur carrière
  • 45
    Breda T., Grenet J., Monnet M, Van Effenterre C. (2020). “Do Female Role Models Reduce the Gender Gap in Science?: Evidence from French High Schools.” IZA – Institute of Labor Economics.  http://www.jstor.org/stable/resrep59964.
  • 46
    Cheryan, S., Master, A., & Meltzoff, A. N. (2015). Cultural stereotypes as gatekeepers: Increasing girls’ interest in computer science and engineering by diversifying stereotypes. Frontiers in psychology6, 49.
  • 47
    Roorda, D. L., & Jak, S. (2024). Gender match in secondary education: The role of student gender and teacher gender in student-teacher relationships. Journal of School Psychology107, 101363
  • 48
    Larseneur B. (2023). Mathématiques à l’école : résoudre l’équation. Institut Montaigne.
  • 49
    dans le cadre du suivi de l’étude ELFE de suivi longitudinal d’une cohorte d’enfants français nés en 2011, les professeurs des enfants participant à l’enquête ont été invités à déclarer leur principale discipline d’étude avant recrutement comme professeur des écoles. Gurgand, Peyre et Ramus (2023)3 ont analysé les réponses des professeurs d’un sous-échantillon d’élèves pour lesquels suffisamment d’informations étaient connues, et constaté que parmi les hommes professeurs des écoles, 38% déclaraient avoir un cursus scientifique, contre 24 % parmi les femmes professeures des écoles : Gurgand L, Peyre H, Ramus F. (2023). Teachers gender disciplinary background contribute to early sex differences in mathematics. OSF Les auteurs montrent que parmi les enfants ayant une femme pour professeure des écoles, les écarts genrés en faveur des garçons sont plus faibles lorsque celle-ci a suivi des études scientifique
  • 50
    Dousset L., & Thebault G. (2025). The End of a Gender Quota in Elite Higher Education. (en préparation).
  • 51
    Algan Y., Galland O., Lazal M. (2025). Les jeunes et le travail : aspirations et désillusions des 16-30 ans. Institut Montaigne
  • 52
    Su, R., & Rounds, J. (2015). All STEM fields are not created equal: People and things interests explain gender disparities across STEM fields. Frontiers in psychology6, 189.
  • 53
    Kuhn, A., & Wolter, S. C. (2022). Things versus people: Gender differences in vocational interests and in occupational preferences. Journal of Economic Behavior & Organization203, 210-234.
  • 54
    Trapnell, P. D., & Paulhus, D. L. (2012). Agentic and communal values: Their scope and measurement. Journal of personality assessment94(1), 39-52
  • 55
    Cordonier, L., Cafiero, F., Walzer, N., & Bronner, G. (2023). Effect of Gender on French High School Students’ Dream Jobs and Professional Ambition. Socius: Sociological Research for a Dynamic World, 9, 1–3. https://doi.org/10.1177/23780231231181898
  • 56
    L’enquête a été menée par l’Institut Bona fidé en ligne en janvier 2025 auprès d’un échantillon de 500 élèves de seconde, 250 filles et 250 garçons. Voir méthodologie en annexe.
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